La Préhistoire dans l'Ouest vosgien

Les inventeurs.

Au XIXe siècle, la plupart des préhistoriens français s’intéressent bien peu à l’Est de la France qui semble vide de tout vestige préhistorique. La Préhistoire dans l’Ouest des Vosges a son pionnier en la personne de Roger Armbruster. Dans les années cinquante, il découvre les premiers gisements d’outils du paléolithique dans la vallée de la Moselle, même si sa première découverte date de 1926, sur le territoire de Vincey.
Robert Charles Antoine, industriel à Vecoux avec des bénévoles de Sans Vallois, découvrent les premiers outils dans le secteur de Darney (Jésonville, Dombasle-devant-Darney, Sans-Vallois…). Durant les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, par les prospections pédestres, des bénévoles comme MM. Michel Meunier, Gilles Huguenin, Gilbert Pressager, Gilou Salvini et des professionnels comme madame Christine Guillaume ou monsieur André Thévenin découvrent les nombreuses stations à outils en quartzite du quart sud-ouest des Vosges. D’autres viennent s’ajouter avec M. Jean-Michel Hans dans le secteur de Bains-les-Bains, M. Jean-Marie Laurent dans la vallée du Madon, M. Jean-Marie Bentz autours de Grignoncourt… et bien d’autres encore comme M. Serge Béguinot qui parcourt inlassablement le secteur de Neufchâteau depuis 2009.

Les occupations.

Les premiers hommes
Les premiers hommes qui parcourent l’Ouest de notre département sont arrivés entre 500 000 et 400 000 ans JC. Ils sont ce qu’il est coutume d’appeler des anténeandertaliens c’est à dire des Homo ergaster ou Homo heidelbergensis en voie de neandertalisation. Ils ont laissé des galets aménagés (chopper, chopping-tool, biface) destinés à dépecer les animaux. Ils suivaient les cours d’eau et les vallées encaissées à la recherche de gibiers, de matière première pour fabriquer des outils (galets de quartzite) et de refuges dans les abris-sous-roche.
Cette période correspond au Paléolithique inférieur, ce que l’on appelle en France l’Acheuléen (1.7 millions d’années à 300 000 ans avt. JC). Voici quelques outils retrouvés autour de Darney datant de cette période.

 

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Chopper – Bleurville, ruisseau du Gras.



Biface – Grignoncourt « le Rond-Puy »
(hauteur : 12 cm)


Les hommes de Neandertal.

Ils sont le résultat de la lente évolution des précédents. Ces nomades, chasseurs-cueilleurs, parcouraient inlassablement notre secteur en suivant le sillon Rhône-Saône-Madon-Moselle-Rhin. Ils s’arrêtaient en des haltes temporaires qu’ils fréquentaient régulièrement. Notre Ouest vosgien recèle de très nombreuses stations et sites du Paléolithique moyen qui datent des années 120 000 à 48 000 ans JC. Ces outils datent de l’Acheuléen et surtout du Moustérien (Moustérien de Tradition Acheuléenne).
Voici quelques exemples d’outils caractéristiques :

Biface en chaille – Nonville « le Bambois »

Denticulé en quartzite – Nonville « le Bambois »

Couteau – Lignéville « Haut de Thiébaut »

Percuteur – Viviers-le-Gras « Champs des chapons »


Les hommes de Neandertal vivaient préférentiellement sur les revers des côtes calcaires, sur les versants exposés au sud, pour surveiller les vallées où se déplaçaient les animaux. Ils allaient chercher les galets dans les rivières pour les tailler dans leurs campements. C’est pour cela qu’ont été retrouvés de nombreux outils autour de Lignéville, Saint-Baslemont, Thuillières, Monthureux-le-Sec, Contrexéville, Vittel, Darney, Monthureux-sur-Saône, Bleurville, Grignoncourt, Fouchécourt, Jésonville, Esley…

Carte des sites du Paléolithique inférieur et moyen dans l’Ouest vosgien

Avec l’Homme de Néandertal correspond une période glaciaire connue sous le nom de glaciation du Würm. Moins qu’une forte zone de 60 000 ans de glace, cette période correspond plus à des fluctuations climatiques oscillant entre périodes froides à très froides et des périodes fraîches.


Les hommes de Cro-Magnon et la fin du paléolithique.

La glaciation du Würm ne correspond pas à une absence de toute fréquentation de l’homme de Cro-Magnon après la disparition des néandertaliens (entre 35 000 et 30 000 ans av. JC). Le Paléolithique supérieur est représenté de façon modeste en Lorraine.

Dans l’Ouest vosgien, l’abri constitué par la grotte Jeannuë de Rebeuville est resté longtemps la seule référence d’une
présence humaine entre 30 000 et 10 000 ans avant JC et fouillé en 1971 par Christine Guillaume. Depuis, les découvertes se sont enchaînées comme celles du secteur de Hautmougey où se succèdent des marqueurs d’une présence humaine entre 34 000 et 26 000 av. JC.

Il reste que le maximum glaciaire atteint entre 20 000 et 18 000 ans av. JC a laissé notre région sans trace d’occupation. Après ce maximum glaciaire, les hommes de Cro-Magnon reviennent dans nos régions en suivant les troupeaux de rennes qui remontent vers le nord. L’importance du réseau hydrographique est ici à signaler, la vallée de la Saône prenant ici une grande importance, toute la vallée de la Meuse et de son affluent le Mouzon. La grotte Jeannuë et le gisement découvert par M. Bentz au début des années 90 dans le secteur de Grignoncourt montre bien les incursions des hommes de Cro-Magnon à la fin du Paléolithique supérieur.

 

Deux exemples de burins en silexite – Grignoncourt

 

Alors que le dernier épisode glaciaire s’achève (vers 9700 ans av. JC), que les forêts repoussent et que les cervidés (cerfs, chevreuils) remplacent les rennes remontés vers le nord, des groupes de chasseurs parcourent la région de Darney et l’ouest du département. Ces hommes appartiennent à une culture dite de l’Ahrensbourgien caractérisée par des pointes de flèches aux formes caractéristiques (pointe à cran, à troncature oblique) retrouvées notamment à Vioménil et Hautmougey.

Le Mésolithique.

Cette période dite de transition entre la Paléolithique supérieur et le Néolithique s’étend dans notre région entre 9700 et 5000 ans av. JC. Des forêts de bouleaux, de pins, puis plus tard de noisetiers, chênes, ormes s’implantent et deviennent le territoire de chasseurs qui se déplacent en bande d’une quinzaine d’individus chassant avec l’arc. Ils occupent des abris-sous-roche dans les vallées encaissées, à proximité de sources ou de cours d’eau, mais ils sont aussi présents sur les versants des côtes avec un point de vue dégagé, dans des tentes. Des cultures différentes fréquentent tout l’Ouest vosgien avec notamment une forte implantation à Vioménil où de nombreux microlithes, petites armatures de flèche obtenues par débitage de lamelles en silex ou silexite.

 



Pointes de flèche (Mésolithique moyen) – Vioménil « Ménamont »

 

 

Des sites d’occupation ont été clairement identifiés à Vioménil, à Gruey-les-Surance et tout autour de Bains-les-Bains.
Des découvertes isolées sont signalées à Vittel, à Valleroy-le-Sec ou Esley. Il s’agit le plus souvent d’armatures de flèche peut-être perdues lors d’épisodes de chasse.

Perçoir – Vioménil « Ménamont »

Triangles scalènes (armatures de flèches)
Vioménil – « Ménamont »

 

Les agriculteurs-éleveurs du Néolithique (5500 à 2000 av. JC).

Ils sont arrivés par la remontée des vallées du Rhône et du Danube. Il s’agit d’un phénomène d’acculturation progressive, c’est-à-dire que les chasseurs du Mésolithique rencontrent les néo-sédentaires. Certains chasseurs se sédentarisent à leur tour tandis que d’autres restent nomades, un temps seulement. Les premiers villages se constituent alors par la création de clairières grâce à l’outil symbole de la période : la hache polie. L’habitat se présente sous la forme de maison en poteaux de bois, mur et clayonnage et torchis, toiture de chaume ou de roseau où vivaient les animaux élevés et les hommes. Des palissades entouraient les habitations. Dans l’ouest vosgien, les traces d’occupation sont ténues et se résument à des découvertes de haches polies cassées en silex mais le plus souvent en pélite-quartz, pierre originaire du Massif vosgien (secteur de Planchers-les-Mines) mais aussi à des pointes de flèches et quelques fois, des
tessons de poteries. Les sites les plus représentatifs sont situés à
Sans-Vallois, Bleurville ou encore Grignoncourt.

Tout près des Vosges, le
site de Marainville-sur-Madon (Meurthe-et-Moselle) montre quatre habitations caractérisées par les trous de poteaux associées à sept sépultures datées du Néolithique rubané, c’est-à-dire que les poteries présentent des décors de rubans. Les pointes de flèches en silex sont fréquentes car ces hommes continuaient à chasser.

 

 

 

 

 

 

 

 


Fragment de hache polie – Lignéville
« Haut de Blosset »

Pointe de flèche à pédoncule en silex
Saint-Baslemont « Champ maçon »

 

 


Pointe de flèche losangique - Lerrain

Pointe de flèche
Lignéville « Haut de Thiébaut »


Peu à peu, les civilisations « Seine-Oise-Marne » parviennent dans nos régions avec le bronze, ils peuplent les sommets des côtes calcaires et ils nous ont laissé les premiers mégalithes (comme le coffre funéraire de Beaufremont) placés sous des tumuli, petites buttes de terre et de pierres destinées à signaler les inhumations.


Mais avec l’âge des métaux prend fin la Préhistoire.

Coffre de Beaufremont « Saint-Charles » - photo Serge Béguinot



Bibliographie (non exhaustive) sur la Préhistoire de l’Ouest vosgien.


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